jeudi, octobre 26, 2006

L'"affaire Bouarfa": de la poudre aux yeux ?

Pierre-Yves Lambert
25/10/2006
ajouts le 08/11/2006

La problématique qui est mise en exergue depuis une dizaine de jours par la sénatrice Bouarfa était déjà connue depuis six ans, en partie à son initiative d'ailleurs, elle accusait déjà, sans jamais les nommer clairement, d'autres candidats PS d'être des "barbus".

Dans une interview donnée à feu le quotidien progressiste Le Matin le 31/10/2000, le nouvel élu socialiste schaerbeekois Alain Hutchinson (ex-saint-gillois et actuel watermael-boisfortien) déclarait ceci: " Pendant la campagne électorale, plusieurs candidats ont dénoncé certains des leurs comme étant de mauvais musulmans parce qu'ils buvaient du vin, parce qu'elles ne portaient pas le foulard, etc. C'est très dangereux. Ils doivent bien se dire qu'ils ne sont pas élus pour représenter leur communauté, mais pour représenter toute la population belge, particulièrement sa frange la plus fragilisée. Au PS, je souhaite qu'il y ait un débat rapidement sur cette question. ". Hutchinson était à l'époque un poids lourd chez les socialistes bruxellois: secrétaire d'Etat PS au sein du gouvernement régional bruxellois et vice-président de la Fédération Bruxelloise du PS, pourtant tous les observateurs et les militants constatent que la situation sur ce plan a empiré six ans plus tard.

En juin dernier, elle avait déjà confié au journaliste indépendant Mehmet Koksal, à propos de l'affaire Kimyongür, que"Laurette a peur de faire quelque chose dans ce dossier. Elle n'ose pas demander l'extradition de Bahar par peur de perdre les voix turques lors des prochaines élections communales" (Humeur allochtone, 6 juin 2006), mais elle avait paniqué quand il avait publié ses propos, tout en me les confirmant par téléphone, avec quelques propos peu amènes sur d'autres candidats.

Il aura fallu attendre la rupture de l'accord préélectoral PS-CDH-Ecolo le soir des élections pour que, frustrée de ne pas avoir pu ceindre l'écharpe scabinale qu'elle espérait depuis 12 ans, la sénatrice Bouarfa s'épanche dans la presse, nous révélant que

  • "Nous n'étions pas d'accord avec la présence de certains sur la liste, qui ne pratiquent pas les mêmes valeurs que nous, qui n'ont pas la même conception de la démocratie en matière d'égalité hommes/femmes ou de lutte contre le racisme. Aujourd'hui, sur 13 élus PS, nous sommes 4 socialistes traditionnels" (La Capitale 12/10/2006)
  • "On a galvaudé nos valeurs pour des raisons électoralistes" (Le Soir 12/10/2006 )

En fin de compte, c'est dans une interview à l'hebdomadaire français Marianne (reproduite plus loin), qu'on aura appris ce qui gêne la sénatrice Bouarfa:

  1. une colistière élue porte le foulard,
  2. "Des candidats de ma propre liste m'ont reproché de ne pas porter le voile"
  3. et enfin
  4. "Sur 13 élus socialistes
  5. il n'y a que trois Belgo-Belges" .
Mis à part le deuxième point (invérifiable), je ne vois pas trop où se situe le problème, sauf dans une perspective laïco-raciste (pour le premier point) et carrément raciste (pour le troisième). Un racisme du type "Oncle Tom" certes, mais racisme quand même, mêlé de bêtise.

Car, rappelons-le tout de même, le PS à Schaerbeek avait obtenu 5 élus en 2000 en faisant liste commune avec le SP (qui avait apporté des voix sans obtenir le moindre élu, comme en 2006) et 4 en 1994 (sans le SP), 6 en 1988 (PS-SP), 1982 et 1976. Il faut remonter à 1958 pour arriver à 12 élus PS au conseil communal de Schaerbeek.

Le saut de 5 à 13 élus n'a donc rien à voir avec l'électorat socialiste schaerbeekois, relativement stable depuis 30 ans, il s'agit en réalité de chiffres gonflés par des votes personnels pour des candidats importés sur la liste PS en provenance d'autres partis (Emin Özkara, ex-Liste Duriau, Mohammed Ramdani, ex-PSC, plus quelques autres, non élus) ou d'autres communes (Laurette Onkelinx, de Woluwe-Saint-Lambert, Derya Aliç, de Grimbergen, Murat Denizli, de Machelen), et de "candidats d'ouverture" (Derya Aliç, Murat Denizli etc.). Il n'est donc pas tant question d'élus socialistes "non traditionnels", comme elle les qualifiait dans La Capitale, mais plutôt d'un électorat et d'élus non socialistes tout court !

La question qui se pose, c'est pourquoi, avec tous ces constats, y compris celui d'impuissance, Madame la Sénatrice n'a-t-elle pas préféré se retirer de cette liste dès le départ, après tout

  1. elle était et reste déjà députée régionale et communautaire et sénatrice fédérale, pourquoi s'obstiner à vouloir cumuler ces trois mandats avec celui de conseillère communale, à moins évidemment qu'elle ait caressé l'ambition de devenir échevine
  2. d'autres ont eu le courage de claquer la porte lors du coup de force de laurette Onkelinx: "Schaerbeek... pays magique ! Dans cette commune où l'on aime les coups de théatre, le PS sort son joker : Laurette Onkelinx. Elle a présenté hier, au Magic Land Theatre, sa liste. Celle-ci avait créé quelques remous la veille, au sein de la locale, et quelques "'anciens" avaient claqué la porte par dépit." (François Robert, Onkelinx présente la liste PS et son programme, Le Soir 06/05/2006)

Non, restons sérieux, l'attitude post-électorale de Sfia Bouarfa n'a rien à voir avec un courage politique dont elle n'a jamais fait preuve depuis sa première élection au conseil communal de Schaerbeek en 1994. On se souviendra par exemple qu'elle avait à l'époque voté des deux mains l'introduction d'une taxe illégale sur les antennes paraboliques (annulée par la Commission européenne ultérieurement). Et elle a toujours été une adepte de la tactique de la chaise vide plutôt que l'abstention ou le vote contre des propositions ou des projets dont elle disait tout le mal qu'elle pensait, mais à l'extérieur des assemblées où elle était élue.

Tout ce show bouarfesque n'a pour motivation, répétons-le, que la rage d'avoir vu passer sous son nez un poste d'échevine qui aurait couronné sa carrière politique (elle a 56 ans) entamée après avoir été virée de son emploi communal en 1993 par un collège nolsiste (PRL) des bourgmestre et échevins (dont au moins un des plus racistes est revenu au pouvoir en 2000, dans une majorité avec le FDF, Ecolo et... le PS). En 1994, c'est le bourgmestre Duriau (ex-nolsiste), qui venait de la licencier un an plus tôt, qui refusa de la voir entrer au collège, fin 2000 elle n'accepta d'y renoncer qu'en échange de la promesse de remplacer Mohamed Daïf au Sénat dès que ce dernier deviendrait échevin à Molenbeek.

Alors, d'accord pour soutenir de l'extérieur la liberté d'expression pour les membres et élus du PS, y compris pour l'échevine tennoodoise Nezahat Namli, mais sans oeillères...

____________

http://www.rtbf.be/info/belgique/ARTICLE_049942

Crise d'identité au PS

C'est le quotidien "Le Soir" qui l'annonce, l'affaire Bouarfa au sein du PS schaerbeekois continue de faire des remous. La sénatrice fait l'objet d'une procédure disciplinaire au sein du parti pour des propos jugés "déplacés" au lendemain des élections communales. Elle avait dénoncé publiquement la présence sur la liste PS à Schaerbeek de candidats bafouant les valeurs socialistes, l'un d'entre eux étant proche de l'extrême droite turque. Désormais c'est Pierre Galand, un autre sénateur, qui est à son tour appelé devant la commission de vigilance du parti.
Source:Info-radio - 3 nov 2006 14:19

Pierre Galand avait également ouvert le débat sur les valeurs socialistes dans un entretien au quotidien "Le Soir" le 12 octobre dernier. Il faut prendre garde, déclarait-il "à ne pas se prostituer, à revenir à un vrai travail d'éducation populaire." Contacté par la RTBF, le président de la commission de vigilance ne souhaite pas réagir officiellement à cette nouvelle convocation, qu'il juge cependant surprenante. Il s'agirait d'un non-événement.
Mais il y a plus : le 15 octobre, 28 militants schaerbeekois soutenaient Sfia Bouarfa dans une lettre adressée aux instances du parti. Ils y disaient leur malaise grandissant, et leur inquiétude de ne plus pouvoir défendre leurs valeurs au sein d'un PS qui -selon eux- à une fâcheuse tendance à présenter des candidats qui font des voix et sont bien loin des valeurs de gauche. Deux semaines plus tard, toujours aucune réponse à ce courrier. On nous écarte, dénoncent-ils.
Ces militants n'ont pas non plus souhaité réagir ce vendredi, pour "ne pas mettre de l'huile sur le feu et privilégier le débat en interne". Lundi, ils adresseront une lettre ouverte au bureau politique du parti. Et envisagent d'autres actions, avec le soutien de députés bruxellois et wallons. L'affaire Bouarfa s'étend au delà des frontières de la cité des Anes. A son retour de vacances, Philippe Moureaux, président de la fédération bruxelloise du PS, ne pourra l'ignorer.


http://www.journaldumardi.be/index.php?option=com_content&Itemid=59&task=view&id=1111

Un débat, pas une sanction


par Laurent Arnauts
Monday, 06 November 2006
On a peine à le croire, mais il semble bien que la procédure suive son cours. Il y a quelques semaines, la sénatrice et conseillère communale socialiste Sfia Bouarfa apprenait en effet avec effarement qu'elle allait être traînée devant la fameuse « Commission de vigilance » de son parti. En cause, des propos tenus dans la presse au lendemain du renvoi dans l'opposition du Parti socialiste dans la cité des ânes.

la suite sur le site du Journal du Mardi (avec possibilité de commenter)

_____________________


à écouter aussi sur le sujet: Andrea REA (ULB) interviewé par Jean-Pierre JACQMAIN dans Matin Première (La Première, RTBF radio) le mardi 07/11/2006

Ecarts de valeurs au Parti socialiste

Hugues DORZEE
Le Soir : édition du 03/11/2006 | page 4

Déni de nos valeurs » (. . . ) « Muselage de la pensée et du débat réellement démocratique » (. . . ) « Inquiétudes éprouvées et exprimées ailleurs dans le parti » (. . . )

Le 15 octobre dernier, 28 militants du PS de Schaerbeek se fendaient d'un courrier acerbe adressé à Eddy Courthéoux, leur président de section, Philippe Moureaux, président de la fédération bruxelloise, et Elio Di Rupo, président du PS.

L'objet de leur « malaise grandissant » : la convocation devant la commission de vigilance de la sénatrice Sfia Bouarfa pour ses propos « déplacés » ; les « dysfonctionnements » constatés durant la campagne ; la présence sur la liste de candidats ayant « bafoué les valeurs socialistes, malgré leur signature apposée au bas de la charte de déontologie ».

En toile de fond : le parachutage de la vice-Première, Laurette Onkelinx, le mayorat manqué et l'élection d'un sympathisant d'un parti turc d'extrême droite - le 26 octobre, ce dernier a finalement décidé de renoncer à son mandat, tout en restant « un militant actif du PS ».

Une « affaire » schaerbeeko-schaerbeekoise ? Loin de là. À ce jour, les 28 camarades n'ont toujours pas reçu la moindre réponse à leur courrier. « C'est la stratégie du pourrissement ! », dénoncent les intéressés qui s'apprêtent à mener d'autres actions (pétition élargie, demande expresse d'une AG de la section, etc. ).

Ce lundi, ils adresseront leur lettre ouverte à tous les membres du bureau politique du PS. Leur message est précis : « Nous, militants fondamentalement attachés aux valeurs socialistes, démocratiques et laïques, nous demandons quelle garantie nous avons encore de pouvoir continuer à les défendre au sein du parti socialiste. » Les intéressés ont reçu le soutien en off de plusieurs élus wallons et bruxellois (députés, échevins. . . ). Ils souhaitent forcer le débat en interne sur le recrutement des candidats, l'identité du PS, la constitution des listes, la course aux électeurs issus de l'immigration, etc. Un appel relayé récemment dans « La tribune des travailleurs » (MDT, trotskiste) qui évoque une « dislocation, dilution, dispersion du PS et de ses fondements ».

Lettre au bureau du PS

Jeudi dernier, la commission de vigilance de la fédération bruxelloise s'est réunie pour lancer une procédure disciplinaire à l'encontre de Sfia Bouarfa. L'objet de la plainte : « Avoir tenu des propos publics qui auraient pu faire l'objet d'un débat interne. » Mais encore ? « Je n'ai pas à répondre à vos questions, c'est confidentiel ! », nous déclare l'un des deux rapporteurs désignés. Le dossier sera transmis « dans un délai raisonnable au bureau de la Fédération », assure le président de la commission, Jean-Marie Amand. « C'est à lui seul que revient la décision d'une éventuelle sanction. » Les statuts du PS prévoient une série de sanctions (du blâme à l'exclusion), ainsi qu'une possibilité de recours devant la commission nationale. . .

Les éventuels « manquements » de Bouarfa ne sont pas les seuls à gêner le PS aux entournures. Selon nos informations, le sénateur Pierre Galand, a également été invité à s'expliquer devant la commission de vigilance pour avoir déclaré dans « Le Soir » du 12 octobre : « On doit s'interroger sur deux aspects : les valeurs démocratiques et celles du socialisme. Ouvrir le débat de façon intelligente, mesurée et ouverte. Ne pas se prostituer et revenir à un vrai travail d'éducation populaire, dans le sens noble du terme. » Une mise au pas ? Galand réagit, embarrassé : « C'est un non-événement ! » Sa convocation ? « Un excès de zèle. Une erreur. » Au sein du PS bruxellois, on minimise. Un pas en avant, deux en arrière. Le « malaise grandissant » est évident.



http://www.lalibre.be/article.phtml?id=10&subid=90&art_id=311947

Politique

Une sanction pour Sfia Bouarfa, coupable d'avoir critiqué le PS ?
V.d.W.

La Libre Belgique Mis en ligne le 08/11/2006
- - - - - - - - - - -

La sénatrice et conseillère communale de Schaerbeek a été entendue par ses pairs.

Sfia Bouarfa a été entendue hier en fin d'après-midi par les deux rapporteurs de la commission de vigilance de la fédération bruxellois du Parti socialiste. Sa faute ? Avoir dit tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas, à savoir que la liste socialiste de Schaerbeek avait peut-être accueilli des personnes choisies davantage pour leur carnet d'adresse et leur potentiel électoral que pour leurs convictions socialistes.

Petit rappel. Sfia Bouarfa est conseillère communale à Schaerbeek depuis 1994 et sénatrice. Comme d'autres candidates socialistes issues de l'immigration, elle a plutôt mal vécu une campagne électorale communale qu'elle a ressentie comme particulièrement agressive. Et les agressions qu'elle a dû subir ne sont pas nécessairement venues des candidats des autres listes mais bien d'hommes, militant sous la bannière socialiste. A tel point, qu'au lendemain du scrutin du 8 octobre, dans une interview au "Soir", elle avait regretté que le Parti socialiste ait bradé ses valeurs pour des raisons électoralistes. Un commentaire qui n'avait pas eu l'heur de plaire à l'establishment socialiste et en particulier au bureau de la fédération bruxelloise du PS qui décida de saisir la commission de vigilance régionale.

Jusqu'alors, Sfia Bouarfa était plutôt considérée comme le symbole de l'intégration réussie. Arrivée en Belgique à l'âge de 20 ans, un diplôme d'assistante sociale en poche, titulaire d'un baccalauréat en lettres modernes obtenu au Maroc, elle avait décroché une licence en sciences du travail. Son rêve d'émancipation s'était concrétisé dans son engagement politique et son élection au conseil communal de Schaerbeek en 1994 puis au parlement bruxellois, en 1995.

"Parce que, c , la virilité de ces hommes a été remise en question par des femmes qui sont leurs égales sur le plan politique. Or cette égalité, ils ne la connaissent pas dans leur vie quotidienne."

La commission de vigilance se réunira ce mercredi soir. Elle dira si Mme Bouarfa mérite une sanction (blâme, rappel à l'ordre...) pour avoir critiqué ouvertement le parti.



http://www.dhnet.be/dhjournal/archives_det.phtml?id=658131

La Dernière Heure 08/11/2006

Schaerbeek

Sfia Bouarfa a été entendue pendant deux heures

La sénatrice et députée régionale bruxelloise socialiste Sfia Bouarfa a été entendue durant 2h, hier, par les rapporteurs de la commission de vigilance de la fédération bruxelloise du PS au sujet de ses propos dans la presse, quelques jours après le scrutin communal, à propos de la liste PS à Schaerbeek. Elle avait regretté la présence sur la liste de personnalités qui ne partageaient, selon elle, pas les valeurs du parti en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, de lutte contre le racisme ou de laïcité. De l'aveu de l'intéressée elle-même, l'échange s'est par ailleurs déroulé très positivement. Les deux rapporteurs, désignés au sein de cette commission composée de 5 membres effectifs et de 5 suppléants, membres du PS depuis au minimum 10 ans et n'exerçant aucun mandat, disposent d'un délai de 14 jours pour émettre une proposition aux instances. Il pourrait s'agir d'un courrier à l'intéressée, voire si nécessaire, d'une sanction. Cette prise de position aurait dû faire l'objet d'une plainte à l'intérieur du parti et non à l'extérieur, avait déploré le Bureau de la fédération. Il y a quelques jours, un courrier dénonçait la présence sur la liste de candidats ayant "bafoué les valeurs socialistes".

___________________

à lire et écouter aussi: Elus allochtones: élus de tous ou d'une communauté ?

Aucun commentaire: